Un voyage à travers le temps, du IVe siècle au Monastère de Sant Cugat actuel

Du 5e siècle à nos jours, le lieu où se trouve le Monastère de Sant Cugat a été une enclave stratégique dans l’histoire de la Catalogne. Nous vous invitons à faire un voyage dans le temps, depuis les Romains, en passant par le Moyen Âge et l’époque moderne, jusqu’à l’époque contemporaine. Vous découvrirez les événements historiques qui ont marqué l’évolution du Monastère de Sant Cugat et de la Catalogne.

Octavianum — Le passé romain

Octavianum — Le passé romain

L’endroit où le Monastère est établi est une petite colline dans la plaine de Vallès, qui fait actuellement partie du centre historique de Sant Cugat del Vallès, très proche de Barcelone.

À l’époque du Bas-Empire, à un certain moment à partir de l’an 325, commence la construction d’une fortification près de la vía Augusta. Un castellum, avec une enceinte carrée de 40 mètres de chaque côté, avec des murailles et des tours de renforcement. Il existe une théorie selon laquelle Rufinus Octavianum, comes d’Hispanie, avait favorisé ces travaux, donnant lieu ainsi au nom de ce lieu. Plus tard, il commence à y avoir une intense activité religieuse centrée sur une église construite au Ve siècle. Cette activité a été liée à la vénération du martyr Cugat, qui selon la tradition serait mort à cet endroit, victime des persécutions de Dioclétien.

La domus de Sant Cugat, la fondation du monastère

La domus de Sant Cugat, la fondation du monastère

Le moment de la fondation du monastère est inconnu, mais l’on sait dans quel contexte elle eut lieu. Au IXe siècle, la monarchie franque encourage la création de monastères bénédictins comme instrument pour organiser leurs territoires et transmettre les valeurs d’un nouvel ordre social, le féodalisme. Le choix de l’ancienne colonie romaine comme emplacement du nouveau Monastère implique la survie ou la réutilisation des constructions précédentes.

Les comtes et les nobles, en particulier les petits et moyens propriétaires incités par un esprit pieux et le besoin de chercher de la protection, font de nombreuses donations. Ainsi, les propriétés de la communauté monastique commencent à se développer à partir du milieu du Xe siècle et finissent par constituer l’un des domaines ecclésiastiques les plus puissants du Comté de Barcelone.

L’abbé Odó et l’impulsion au Monastère de Sant Cugat

L’abbé Odó et l’impulsion au Monastère de Sant Cugat

En 985 se produit le pillage de Al-Mansur dans le comté de Barcelone. Certains des moines sont tués et le Monastère est assailli. L’un des moines survivants, Odó, prend en charge l’abbaye et la tâche de faire remonter à nouveau le Monastère. Odó obtient du pape Sylvestre II la nulla diocesis, une condition qui le libérait de l’évêché et le reliait directement à Rome. Il s’occupa également de l’expansion des propriétés monastiques et de la construction d’un nouveau complexe architectural.

Centre de congrégation monastique

Grabado

Dans le développement du monachisme bénédictin en Catalogne, Sant Cugat a un rôle pertinent dès la fin du XIe siècle. Le poids politique qui lui est donné pour le fait d’être l’une des plus grandes seigneuries monastiques et la proximité à la cour comtale de Barcelone, la placent au centre de nombreux changements et réformes qui ont lieu dans le domaine ecclésiastique. Les intérêts politiques des comtes de Barcelone la favorisent également et lui permettent d’occuper une place prééminente au sein de l’Église catalane.

Le Cloître du maître Arnau Cadell

Le Cloître du maître Arnau Cadell

À partir du milieu du XIIe siècle commence la construction d’un nouveau monastère. Celui-ci a nettement augmenté ses propriétés et les revenus générés lui permettront d’aller au-delà de la subsistance de la communauté monastique et de sa fonction au service de Dieu. C’est ainsi que commence un nouveau projet architectural pour adapter les anciens bâtiments aux nouveaux besoins de la communauté et aux temps nouveaux. Le travail le plus caractéristique de cette époque est la construction du Cloître roman. La construction du Cloître commence vers 1190, proposée par le maître sculpteur Arnau Cadell. Il présente un fabuleux recueil de sculptures à travers ses 144 chapiteaux, une porte ouverte aux croyances du monde médiéval : elles racontent l’histoire du Salut (galerie sud), elles montrent des scènes de vie monastique et des motifs de valeur symbolique. Cadell laisser un autoportrait et une inscription de sa paternité dans le même Cloître, un fait singulier et pionnier dans le pays qui, en même temps, dénote un statut social important.

L’assouplissement de la règle de Saint-Benoît et du monastère à l’époque moderne

L’assouplissement de la règle de Saint-Benoît et du monastère à l’époque moderne

Par la suite, au cours de l’époque moderne, Sant Cugat conserve le prestige obtenu étant l’un des plus grands domaines ecclésiastiques de la Principauté, un monastère riche avec une présence dans la vie politique et culturelle du pays.

Dans le processus de configuration de la monarchie absolue, le contrôle de l’Église devient l’un des axes essentiels de la politique des monarques, ce qui affecte directement le gouvernement des monastères. La soumission à Rome laisse, à partir du XVIe siècle, la soumission à la royauté, qui conserve le privilège de choisir l’abbé jusqu’à la fin de la sécularisation, en 1835.

Le Monastère et les conflits des temps modernes

Le Monastère et les conflits des temps modernes

Le rôle du Monastère et de ses abbés lors de deux épisodes clés de l’histoire de la Catalogne, la Guerre des Moissonneurs et la Guerre de Succession, explique les liens entre l’abbaye et la vie politique et sociale de la Principauté.

Dans le cas spécifique de la Guerre de Succession (1702-1715), il représente un revers important pour le pouvoir politique prééminent du Monastère dans la lutte entre Philippe de Bourbon et Charles d’Autriche pour le trône hispanique. L’abbé Baltasar de Muntaner se montre en faveur de Philippe, en parallèle, la Principauté se déclare ouvertement pour Charles.

Une fois la guerre terminée, avec la victoire de Philippe de Bourbon, le nouveau roi ordonna des mesures répressives contre Sant Cugat, telles que la démolition d’une partie des éléments défensifs — le mâchicoulis et les tours d’entrée — pour éviter toute attaque depuis l’abbaye.

La fin du Monastère et sa conversion en monument

La fin du Monastère et sa conversion en monument

Le 26 juillet 1835, les derniers moines de Sant Cugat quittent pour toujours le Monastère et mettent fin à mille ans de vie monastique. Cependant, l’extinction des monastères commença bien avant. Les changements de mentalité introduits par l’Illustration lors du siècle appelé des Lumières, le XVIIIe siècle, apportent la lumière de la raison contre l’obscurité des croyances ataviques et remettent en question l’ordre établi. Les structures de l’Ancien Régime, telles que l’Église et le monachisme, commencent à s’affaiblir. Lors de la sécularisation de 1835, les dépendances monastiques perdent leur fonction. Depuis, l’avenir du complexe est construit avec l’effort pour la conservation du monument et la possibilité de lui attribuer de nouveaux usages au service de la population.

En 1931, le Monastère est déclaré Monument National et la Generalitat de Catalunya entreprend de nouvelles interventions dans le Cloître, mettant en évidence, pour la première fois, le potentiel archéologique du complexe avec la découverte de la basilique paléochrétienne. Actuellement, l’ensemble monastique est propriété de la Mairie. Il combine l’usage paroissial du temple, ce qui perpétue la tradition chrétienne dans le monastère, et l’usage culturel du monument, offrant aux citoyens un espace d’admiration et de connaissance.